LES ARGENTYPES
Depuis une vingtaine d’années, Jean-Marie Fadier développe les argentypes, un projet artistique de photographies abstraites. Créés sur le plateau de l’Aubrac de juin à octobre, les argentypes sont réalisés sur du papier photosensible argentique noir et blanc que l’artiste expose directement à la lumière du jour sans utiliser d’appareil photo.
Jean-Marie Fadier réalise des photogrammes sans référent faisant apparaître des couleurs sans négatifs couleurs ni filtres, à partir des seules propriétés physico-chimiques des papiers sensibles. Ils sont le résultat d’une captation liée conjointement à la lumière, aux conditions climatiques et à l’intervention de l’artiste, selon un protocole où se combinent hasard et maitrise du geste. A l’opposé d’une « photographie classique », les œuvres réalisées sont totalement abstraites, uniques et non reproductibles. L’approche expérimentale adoptée par l’artiste interroge directement le medium photographique.
Retournant en amont de la prise de vue, Jean-Marie Fadier envisage la possibilité d’une photographie construite en dehors de son système de représentation et qui respecte deux principes fondamentaux.
Le principe d’unité (de temps, de lieu et d’action) : le processus, de l’exposition au séchage, s’effectue sans discontinuité de temps, dans un seul lieu et selon une intervention unique de l’artiste, qu’il appelle « geste » ou « signature ».
Le principe de libre interprétation : les argentypes questionne la place même du spectateur en lui offrant la possibilité de créer, à son tour, une vision personnelle de l’image.
Variés dans leur format, leurs formes et leurs couleurs, les argentypes constituent l’aboutissement du projet artistique de Jean-Marie Fadier en obligeant à modifier les habitudes du regard sur la photographie. En s’affranchissant des codes convenus de la photographie (référent, automaticité, matrice, reproductibilité), les abstractions de Jean-Marie Fadier repoussent les frontières de la photographie argentique tout en nous rappelant que le numérique ne constitue pas l’unique voie contemporaine du traitement de l’image. Ne souhaitant garder que le matériau, le dispositif et le geste et en s’affranchissant du référent, il a cherché à retrouver une liberté de création et à proposer un nouveau regard sur l’image photographique. Au-delà d’interroger le medium et la technique photographique par le principe d’unité, les argentypes prennent une dimension intemporelle et universelle à travers le principe de libre interprétation.